Les manches retroussées et l'oeil vif

Aujourd'hui plus que d'habitude, les potos, je vous sens prêts. Je vois votre oeil vif, votre poil lisse, votre sourire radieux, vos pieds bien enfoncés dans le sol jusqu'à vous refiler un air décidé et sûr de vous, votre voix enjouée. Pas de doute, les amis, vous pétez la forme. Aujourd'hui, je vous parle de Peter.

Et pour vous montrer comme Peter Handke, c'est bien, je me montrerais moi-même comme suffisamment badass pour le mettre en relation avec Emmanuel Bove, le grand monstre sacré de la littérature francaise que plus personne ne connait et dont tout le monde se fout. D'ailleurs, même s'il n'a pas pu le connaitre, Handke à traduit Bove en allemand, et est même allé jusqu'à le faire redécouvrir ici, et ca, les gens (et j'enlève mes lunettes d'un geste vigoureux pour illustrer l'intensité de mon propos), c'est beau.
Quoique. Peut-être Peter Handke diffère-t-il d'Emmanuel Bove en quelques points notables. Tiens -tenez, pardon- lorsque Bove se sert d'une approche du vide ou de la vacance pour illustrer le rien qui sacre ses personnages comme des anti-héros voués à rien de plus qu'ils ne sont (nan, nan, mais c'est pas triste, en fait, mais alors que dalle), Handke se tourne plus vers la plume minimaliste et dépouillée, mais n'échappe pas à la recherche d'un style précis et/ou d'un artifice que son maître avait su éviter. Quand Bove place son personnage au dessus de la recherche littéraire et aboli tout procédé littéraire pour ne se concentrer que sur son personnage, Handke égalise les pointes en tentant de nourrir l'un par l'autre. Peter cherche à donner de la force à sa plume par son personnage et de l'épaisseur à sa plume par son personnage en se donnant grave pour lier les deux ensemble et articuler tout le texte lui-même par une interaction.
Après, ouais, on aime ou on aime pas l'approche dont il se sert pour dépeindre le personnage de Bloch, son errance, son vide et son cheminement vers pas si rien que ca, finalement, mais le boulot fourni laisse sans voix. Et pourtant, je ne suis pas naturellement muet.

On notera, effectivement, deux ou trois longueurs par-ci par-là, mais qui sont sans doute nécéssaire à la rythmique et à la plume. Le temps de laisser les guibolles se reposer deux minutes avant de repartir vers le milieu de terrain. On devra d'ailleurs, entre parenthèses, ne pas se fier au foot lorsqu'on choisi la lecture de L'angoisse du gardien de but au moment du penalty. Oui, je sais, mais le foot ne tiens pas une place telle que le roman en est bouffé. Il est un élément important, Bloch aime ca, mais comme tout footeux qui a une vie (et je vous laisse le soin de mettre en parallèle "Bloch aime ca, mais comme tout footeux qui a une vie" et le personnage de Bloch dans le roman, ou de Digoin dans Adieu Fombonne, d'Emmanuel Bove, ou de n'importe quel personnage de l'un ou de l'autre qui se rapproche de ces deux là), le foot est à la fois omniprésent et accessoire.

Pour le reste, on peut se repaître de perte de repères, d'entremêlement de réalité grise ou maussade et de rêve éveillé, comme ceux qu'on fait le matin sous la douche quand on est infoutu de dire si nos yeux sont ouverts ou pas. Le texte est un peu épais, un peu dense, même si le bouquin ne l'est pas. On n'en a pas l'impression en le mettant dans la poche au moment de partir, mais la lecture de L'angoisse du gardien de but au moment du penalty est un petit investissement intellectuel quand même. Le travail de Peter Handke est un peu complexe, mais bordel de Dieu, qu'est-ce qu'il est bien fait. Le texte est aussi épais que la plume est épurée, mais les ficelles littéraires apparaissent et c'est là qu'on voit que quand même, y'en a qui écrivent mieux que d'autres.

Comments

[Dr.Zili]

a chaque fois on découvre un auteur ou un bouquin par ci par là grâce au blog qui parle de littérature et des sujets divers merci pour cet article, espérant qu'on trouve du temps pour dévorer la liste qu'on a déjà préparé