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La Confrérie des Libraires Extraordinaires
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9 août 2012

L'auteur a fait exprès

9782070382163Encore le genre de texte duquel je n'attendais rien en particulier. Histoire de ne pas être en manque et de se la couler douce quand même, quelques lectures dans lesquelles on a pas trop besoin de s'investir. C'est un peu ca, la lecture de plage, finalement, pas besoin d'aller voir chez des auteurs qui écrivent mal et sans contenu pour pouvoir se reposer.

Donc, Suzanne. Loin des daubes et pas si près des joyaux. On a la une petite autobiographie sans doute très académique, l'histoire d'une famille par la voix du seul littéraire qui se trouve en l'occurence vu dans sa famille comme un littéreux sans qu'on puisse s'offusquer ou y voir une note péjorative. Et plus que la famille, on y apercoit le cadre et la bouille encharbonnée et blasée de cette couche de la société de cette époque précise. Une sorte d'années 1930 au charbon qui se décline par les décénnies suivantes sans charbon mais avec ses traces encore visibles.

On repèrera aussi, pour les plus jeunes, ce genre d'autobiographies impassibles et froides dont les professeurs de francais demandent la lecture en quatrième ou troisième.
Ce genre de texte ui aurai éventuellement pu paraitre, dans un premier temps, dans diverses collections pour la jeunesse. Presque. A ceci près que cette petite pensée se trouve barrée par des détails tout aussi discrets. On trouve l'absence de "ne" dans les phrases négatives, la contraction de la majorité des articles définis, quelques mot d'argot qui le retire du segment jeunesse aussi rapidement qu'il aurait pu rentrer. Un peu d'argot mais pas trop, pas assez pour être marrant comme Frédéric Dard et trop pour faire paser ce texte pour un roman intello. Même si ca en est un.
Et malgré ca, l'amateur d'étude stylisique trouvera son bonheur chez Suzanne et matière à prendre du plaisir à décortiquer le texte. Parce qu'il est très académique ce texte, tant dans sa construction que dans le style de Belloc. On y voit une décontraction tellement forcée qu'elle en devient fausse et que les ficelles utilisées se voient un peu, et quiconque veut étudier la langue que Belloc utilise n'a qu'à tirer dessus pour trouver de quoi étudier.

C'est peut-être ca, le défaut de Suzanne, c'est froid. A force d'être académique et d'être construit selon des règles littéraires strictes, à force de baigner dans une atmosphère froide et blasée, on manque d'empathie pour les personnages et d'envie de se plonger dans le texte quand le soleil brille et que la pelouse toute verte appelle à l'oisiveté.
Le risque de bâtir un texte froid, rugueux et gris pour provoquer une émotion étrange (ce genre d'émotion dont le lecteur ne saura pas dir si elle est dérangeante ou non) revient à prendre le risque de ne rien provoquer chez une autre partie du lectorat. On voit parfaitement le coup de poker de Denis Belloc et ce qu'il a cherché à faire, et même si ca ne marche pas chez l'un, ca peut très bien le faire chez l'autre.
C'est un peu du Minuit, finalement, et ca aurait tellement bien marché aux Editions de Minuit que Marguerite Duras a adoré.



C'est un bon texte, finalement. C'est un bon texte gris (sombre pour l'histoire et clair pour le style), rigide et froid, mais avec du caractère, quelque part. Pas apparent, le genre de caractère qu'on trouve dans l'étude de la charpente, de retrouver les règles littéraires et les outils employés parce qu'on les voit bien. C'est un angle osé poussé à l'extrême dans le dénuement, dans un sens, même si on a un contenu plus riche que celui des romans de Jean Echenoz, dont on dit qu'il excelle dans cet art du dépouillement. Suzanne est loin d'être naze mais manque sans doute de charme. C'est juste que même réussi, c'est pas mon truc, quoiqu'en vous en parlant, je me suis convaincu que c'est un bon cru que Suzanne.
En gros, c'est un bon texte pas beau, le pas beau étant volontaire. Ca prête à débat, d'ailleurs, et en cela, c'est réussi et Suzanne a atteint son but.

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