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La Confrérie des Libraires Extraordinaires
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19 juillet 2020

Surabondance

sirenes

Vous savez quoi ? Je suis sur que personne ne vous a encore jamais parlé de la cuisson de la littérature. C'est vachement important, ça, comme la posologie en médecine ou les ogives en architecture. Un texte, ça se pèse, se sous-pèse, s'arrange, se mixe et s'étalonne (comme au ciné) et on se retrouve finalement avec tout un tas de trucs à réaliser pour livrer un texte qui se tienne droit, fier et haut.

Du coup, je suis sacrément déçu. Parce que sur le menu, il avait l'air beau et bon, Sirènes. Bien présenté, bien agencé, extremement riche et appétissant et j'avais hâte de voir arriver mon plat.
Il y est question d'humanité prise à la hâte, principalement. La lumière du soleil est devenue extrêmement nocive, bien plus que maintenant et les cancers provoqués étaient sacrément plus costauds. Et contagieux, surtout. D'où la nécéssité de vivre sous terre, dans des blockhaus et des bunkers qui ont fini par former une mégalopole vitale tant la surface est devenue invivable. Le Japon a alors dominé le monde et la yakuza a rapidement commencé à tout contrôler, jusqu'aux élevages de sirènes dont on a découvert l'existence au moment des épidémies de "cancer noir" et qu'on élève à des fins purement alimentaires. Forcément, il faut une péripétie, comme on nous l'apprend en sixième, et elle passe par le personnage principal qui s'accouple avec une sirène et donne naissance à un croisement.

Ca a l'air tordu comme ça mais on se doit de faire confiance à l'auteur comme on se doit de le faire en science-fiction et dans toutes les formes de littératures. Alors on regarde, on se penche sur le bassin et on se laisse porter. Le problème se pointe néanmoins assez vite.
Depuis mes mésaventures rocambolesques avec Le palais de glace, de Vesaas, je m'abstiendrais de trop parler du style de Laura Pugno tant la traduction peut jouer dessus. On ne peut pas lui tenir rigueur des carences de sa plume si le prisme de la traduction est passée par-dessus, même si les traduction entre l'italien et le français ne sont pas non plus les plus ardues.
Le problème le plus notable réside surtout dans la variété dingue des idées de Laura Pugno et de leur incapacité à cohabiter. Quoiqu'il s'agisse sans doute plutôt du manque de lien entre toutes, comme un mur sans mortier, ou que sais-je. Les idées font chacunes leur effet, indépendemment, mais peinent à s'imbriquer les unes dans les autres. L'harmonie générale du post-apocalyptiques où doivent se cotoyer sirènes, expatriés, désespérés, yakuzas et malades dissonne. On y trouve quelques relents de Waterworld (lui-même ersatz aquatique de Mad Max) et de La guerre des salamandres, de Karel Capek, le côté Verne en moins.

D'où, la cuisson. Tous les ingrédients ne se cuisent pas pareil. Si vous jetez tous pêle-mêle dans la poêle, vous vous apercevez vite qu'il vous en aurait fallu d'autres. Avoir de super idées est finalement assez différent de savoir les exploiter. On se retrouve alors avec des morceaux de développement d'idées juteuses placés les uns à côté des autres, sans transition ou presque et sans unité. Tout ne s'écrit pas pareil et toutes les idées ne se développent pas de la même manière.

Mais reconnaissons le beau geste, en revanche. On ne peut pas retirer à Laura Pugno l'ambition d'avoir tout voulu coller au même endroit. 

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