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La Confrérie des Libraires Extraordinaires
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14 juillet 2020

Et tant pis pour les Rois Maudits

armagnacs

Au diable Netflix !

Non pas que je n'aime pas son contenu ou que je ne l'utilise jamais mais, à bien y regarder, on trouve les même choses en librairies. Et si en plus, le matériau historique est vrai et vérifié, c'est encore mieux. Dieu et le roi savent que c'est rare, pourtant.

Parce que c'est pas le tout de se gargariser avec Les Tudors, Kingdom of Heaven, Vikings ou Excalibur, mais il y a un biais littéraire qu'on explore pas. Prenez Armagnacs contre Bourguignons, par exemple. Le titre est bidon, certes, et Bertrand Schnerb ne s'est pas foulé dessus. Quoiqu'on puisse aussi prendre le parti de n'en pas choisir et de renvoyer les partis armagnac et bourguignon dos à dos. On ne juge pas l'histoire, après tout, et il n'y a de meilleures fictions que celles qui refusent de trier ses personnages selon la méthode manichéenne. Et puis, en plus, Armagnacs contre Bourguignons, c'est même pas une fiction. Et pan.

Pour remettre en contexte, même si Schnerb le fait vachement mieux que moi, il faut se figurer Charles VI, le roi fou, même si on n'avait pas le luxe de se permettre de dire que le roi était fou et, comme il l'était, on était un peu emmerdés alors on disait qu'il était "empêché") qui se tenait éloigné du pouvoir assez souvent, en proie à des crises sombres comme Bernard Guénée les décrit tant bien que mal dans La folie de Charles VI, mais on verra ca plus tard. Du coup, c'est la famille royale, un peu écartée du pouvoir par le nouveau roi qui récupère les affaires courantes et un peu plus en éjectant les potes du roi, vus comme des parvenus. Le retour des vieux briscards du pouvoir (où on ne verra aucune analogie malvenue avec les éléphants dont on parlait pour d'autres et dans un autre contexte au XXe siècle) change la donne, et les frères du prédécent roi et, du coup tontons du présent (sans analogie non plus avec l'argot de la mafia discrète et en cravate), font rouler les affaires nationales en plus des leurs. Ca s'entend bien, mais pas que. Le roi de Bohême appelle à l'aide contre les Ottomans et on est pas d'accord sur la guerre à mener, pas plus que sur l'attitude à adopter face aux papes de Rome et d'Avignon (et plus, il n'y en a peut-être pas eu que deux), ni sur les affaires italiennes sur lesquelles on s'oppose aussi en fonction de l'engrenage des alliances ducales. Mais royales, ca passe au second plan. Comme si Castex, Darmanin, Dupont-Moretti et Bachelot profitaient de la santé défaillantes de Macron pour se placer eux avant de placer le pays. Et comme ça s'envenime grave, tout part en couille. Entre 1407, date retenue comme les premiers clashs armés et 1435, fin officielle après le traité d'Arras, on a connu une sacrée guerre civile. Sur fond de Guerre de Cent Ans, évidemment.

Et partout, hein ? Même si les Normands, les Berrichons, les Toulousains et quelques Picards avaient commencé à regarder l'agitation d'un oeil torve et inquiet, la guerre s'est généralisée. Il y en avait partout, à grands coups de mercenaires navarrais, de débarquement anglais (déjà), de tentative d'incursion impériale germaine et tout et tout. Et plus encore, cession de la couronne de France à la couronne d'Angleterre, de désastre militaire à Azincourt, d'assassinat politiques majeurs, de démambrement physique de membre du gouvernement et tout et tout. La période a été riche et rocambolesque et Bertrand Schnerb la narre comme il faut.

Quand je vous parlais de Netflix, je ne vous cache pas que j'avais fait exprès, hein ? Armagnacs contre Bourguignons, c'est vraiment une série sur papier. Chaque chapitre fait rebondir l'intrigue encore et encore, toujours un peu plus. On voit des personnages s'affirmer ou disparaitre au fil des saisons, des enlèvements improbables et des meurtres, des morts inespérées qui changent la tout le damier politique, des nouveaux personnages qui complexifient encore l'intrigue par leur arrivée dans le jeu, des enquêtes judiciaires qui se heurtent aux hautes sphères de l'état (des crimes d'état, quoi)... Plus encore, en guest, des rois étrangers, des empereurs, de papes, et même Jeanne d'Arc (même si elle ne reste en fait que quelques mois sur les trois décénnies, mais qui font justement tout, même si il faut aussi relativiser l'identité du personnage, hein), et Charles VII qui, en fait, n'était amené à devenir roi que si ses trois frères aînés décèderaient avant leur père. Et puis des armées finalement composées de types de vingt ans qui, au bout d'un moment, n'auront connu que la guerre civile. Et d'autres aussi, mais je confesse volontairement couper mon article et retirer tout un paquet de spoils. Il y a des éléments, non pas à taire, mais à préserver pour ne pas écorcher votre lecture et vous assurer des réactions enthousiastes, des bouches bées et des contrepieds constants. C'est ce dont regorge Armagnacs contre Bourguignons.
Et le plus vertigineux, là-dedans, c'est justement que c'est de notre histoire dont Bertrand Schnerb nous parle. On ne l'a pas vécu mais notre pays, si.

C'est sans doute le plus fou, dans tout ça. On la tient, notre série sur l'Histoire de France, mais personne ne la tourne. Quoique ce ne soit pas vraiment grave, puisqu'on peut quand même se la faire nous même.

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