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La Confrérie des Libraires Extraordinaires
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12 juillet 2020

Le soleil voilé

jeune vera

On se découvre toujours un peu plus. Je regretterais presque d'avoir si peu à dire sur La jeune Vera tant l'effet que le texte devait produire sur moi et celui effectivement produit diffèrent. Tout est écrit de manière à provoquer un effet boeuf comme l'Abbé Prévost ou Francis Scott Fitzgerald ont pu le tenter à leurs époques.

Il se passe quelque chose, dans La jeune Vera, mais c'est l'écriture qui véhicule ce dont l'intrigue est dépourvue. L'effet recherché est visible et assez proche de Gatsby le Magnifique dans sa construction. Il faut, pour cela, un narrateur présent partout mais impliqué dans rien, qui s'efface au profit d'un personnage secondaire qui crève l'affiche et se retrouve au centre de tout, presque jusqu'à devenir le McGuffin du texte. Ce personnage, Vera (car c'est elle), est construit comme Manon Lescaut ou Jay Gatsby: blessé mais solaire, charismatique et toxique, instable et capable de susciter le besoin de s'y accrocher. On a envie d'aller vers eux tout en reconnaissant en nous même qu'on ne devrait pas et, si on connait tous dans nos vies des personnes qui ce rapproche de cet état et de qui émanent de genre de choses, on sait la difficulté potentielle de les éviter. Au fond, exactement comme Nick Carraway devant Jay Gatsby, sous l'emprise de cette fascination si particulière.
Le texte lui même absorbe la fascination que Vera excerce sur le personnage principal et il faut bien avouer que son statut de texte russe de l'époque soviétique redécouvert et retraduit pour arriver jusqu'à nous lui confère une saveur que peu de textes transmettent. Il y a plein de trucs qui gravitent autour du texte sans qu'il ne s'en rende compte. Malgré lui comme pour certaines personnes et certains personnages, le texte trimballe un halo indéfini qui nous attire vers lui.

Pourtant, il ne se passe rien dedans. Les tentatives d'ensoleiller Vera, auprès de moi en tout cas, sont restées un peu vaines. Le personnage passionne, est un sujet rêvé pour un psychanalyste, regorge de tout un tas de questions qu'on aime remarquer et se poser quand on est lecteur mais le reste du contenu n'amène pas à se lancer dans la lecture à corps perdu. Le personnage est peu exploité par d'autres auteurs, pourtant, et, hormis les deux mentionné plus haut, on galère à trouver d'autres auteurs et d'autres romans qui s'y soient lancés. Sans trop d'éléments de commparaison, donc, le texte a suffisamment de champ libre pour prendre l'espace de notre esprit qu'on veut bien lui allouer lorsqu'on entame la lecture. Mais il manque quelque chose.
Malgré l'espace exigu, le huis-clos du train militaire qui traverse la Russie comme il était courant à cette époque, le récit est finalement plat. Peut-être aussi que la singularité du texte, pas le cadre des trains militaires où se cotoient des gens de tous horizons au sein de la même entité et pour le même voyage, se retourne contre lui. Certes, on a pas ça en France, et c'est sans doute le problème, finalement: il nous manque un repère solide pour profiter du texte et des personnages qui lui donnent sa couleur.

Et puis bon, même s'il n'y a pas beaucoup d'éléments de comparaison possibles et si ni Vsevolod Petrov ni Gallimard ne le mentionnent, il y a quand même un parallèle évident avec Gatsby. Et c'est pas rien, de tenter de se mettre dans le sillage de Gatsby, même si le schéma se rapproche de Manon Lescaut. Forcément, en se placant entre les deux, la place est difficile à prendre.

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