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La Confrérie des Libraires Extraordinaires
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4 mai 2010

Journée d'un opritchnik

9782757816875FSC'est fou cette faculté que j'ai a me tourner vers les auteurs russes chaque fois que je pars en week end. Ce coup ci, je me suis penché sur la plume de Sorokine, qui n'est certes pas un manchot mais à qui on peu reproché d'avoir trop de stylos. Je confesse la nébulosité de ma précédente phrase et me presse de m'expliquer.

Pour vous remettre dans le contexte, Journée d'un opritchnik met en scène la Russie dans trente ans. Le régime a changé, on se retrouve avec, comme pensionnaire du Kremlin, un chef d'état qui concentre les trois pouvoir dans sa main et qui plonge le pays dans une dictature sournoise puisqu'elle anesthésie toute forme de contestation et de révolution par une police faussement secrète, l'opritchnina (celle là même qu'avait fondé Ivan le Terrible en son temps).
Une sorte de police hors hiérarchie, qui ne ressemble ni à une police, ni à autre chose. Ils se chargent aussi bien de dézinguer un aristocrate que d'enquêter sur un poème qui calomnie le parton ou quoique ce soit. Une sorte d'unité à qui on donne le sale boulot sous prétexte qu'il sont des teignes.

Et vous savez quoi ? Ca le fait. Le narrateur est un opritchnik bien placé dans l'organigramme de la maison, avec un sacré pedigree et un bon CV. On lui confie des missions de confiance qui le force à courir à droite à gauche, et au fil des chapitres, on cerne très bien l'organisation fictive que Sorokine nous présente. Le cachet du bouquin réside aussi dans le narrateur lui-même et dans la manière dont il défend face au lecteur ce régime dictatorial et répressif qui l'a convaincu. Le montrer à quel point il est embrigadé comme l'est n'importe quel badaud russe de l'époque en question.
Ajoutons à cela le construction du récit en lui-même et la façon don Sorokine l'a articulé. Les 250 pages se déroulent en une journée et laissent suffisamment apercevoir tant l'activité normale de l'opritchnik (et donc de l'opritchnina); que l'organisation du pays, avec autant de politique et d'intrigues nationales que régionales, avec la description du pouvoir russe, la description des hautes sphères de l'état par quelqu'un qui les a à peine vues; que la vie quotidienne sous ce régime, certes un peu moins en vue mais qui fait quelques belles incursions dans le récit, entre règlementations des assortiments de magasins et sanctions publiques (le concept est bizarre quand il est dit comme ca, mais je vous laisse la surprise).

Le tout empreint d'un féodalisme renaissant et intégrant les nouvelles technologies, y compris celles qu'on a pas encore.Journee_dun_opritchnik Journée d'un opritchnik mêle les trois époques, avec le féodalisme omniprésent, comme si l'opritchnina l'avait ramené de l'époque du Terrible; la Russie actuelle, celle qu'on connait maintenant; et les petites mutations qui se seront opérées dans la société d'ici trente ans. Le tout donne d'une part un récit parfois surréaliste mais laissant malgré tout l'impression de la probabilité de la chose. Une sorte de réalisme surréaliste que Sorokine doit être le premier à utiliser.
Malgré tout, le problème réside aussi dans ce concept de réalisme surréaliste qui fait la force du bouquin. Ce que Sorokine n'a pas réussi à surmonter est le piège dans lequel un sacré paquet d'auteurs tombent souvent. A force de vouloir mettre le paquet, on en fait trop. On se dit, à certains passages, que le kitsch débarque dans un roman où il nuit à l'atmosphère pourtant excellement construite. Non pas dans une description, mais dans la manière dont le pays tourne, ce même pan du bouquin que j'ai vanté pendant un paragraphe. C'est parfois too much, certains paragraphes donnent l'impression que la plume se perd avant se retrouver sa trajectoire normale.
On fait bien la différence entre les dérapages contrôlés de Sorokine, ceux qui s'intègrent dans la provoc et qui donnent lieux à des passages et des sobres mentions qui avec leur air innocent font bondir et atteignent ainsi leur but, et ceux qu'il ne contrôle pas, qu'il fait pratiquement malgré lui, parce qu'il se laisse aller.

Et rien à voir avec Sorokine, mais la traduction laisse à désirer. Je confesse ne pas avoir lu le texte russe et je suis le premier à avouer mon incompétence à juger des traductions (et à clamer qu'on ne peut les juger que si on connait le texte original), mais dans certains cas, la chose est suffisamment flagrante pour ne pas souffrir de ce genre de réserve. Il se trouve que certains passages ne coulent pas comme coule le style en  particulier. J'admets le travail d'écriture ou de réécriture d'un traducteur, mais certaines carences sont flagrantes. Non pas dans le jargon de l'opritchnina que Sorokine a inventé (et prouvé du même coup la profondeur de son imagination) et que le traducteur a, pour le coup, bien géré et gloire à lui. Mais pour le reste, on a pas une traduction de grande qualité.

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