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La Confrérie des Libraires Extraordinaires
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28 mars 2020

En une touche de balle

boniface

On est confiné et il ne vous aura pas échappé qu'il n'y a plus de foot nulle part. On entend plus gueuler dans les stades, les paillettes du PSG se sont éteintes et Liverpool frémit à l'idée de ne pas être champion. C'est peut-être pas plus mal de se sevrer un peu, ca se pousse à bouquiner et, éventuellement, à se poser d'autres questions. Genre, le foot, oui, mais c'est quoi ? Et quel pouvoir ça peut bien avoir ? Ou bien, on peut même prendre le problème à l'envers: non pas pourquoi j'aime le foot, mais pourquoi la personne avec qui je vis, ou bien mon fils, ma fille, mon mec, ma grand-mère, mon canari ou mon hérisson aime le foot ?

Et là, bam bam, je vous sors Pascal Boniface de derrère les fagots. Pas le Eric Boniface de Sochaux il y a vingt ans, Pascal Boniface le géopolitologue. Parce que si vous filez du Eduardo Galeano, du Eugène Saccomano ou du Bernard Chambaz à un néophyte, vous allez vous retrouver à centrer au troisième poteau. Planète football est construit totalement différemment. On ne sait pas vraiment s'il s'agit d'une BD ou d'un essai. Quoique non, définivement pas un essai, mais un livre d'histoire, quelque part. Mais pas comme L'histoire du football de Mickaël Correia.
Pascal Boniface en parle autrement. Les passages en vignettes sont autant de planches bien construites qui se retrouvennt non pas à illustrer mais à compléter le texte. C'est même encore au-delà, c'est le texte qui choisit quelle forme il souhaite prendre et quand il juge pertinent de le faire. Ce sont deux joueurs qui s'adressent des passes sur un terrain pur assurer le beau jeu, le texte et le dessin se font jouer l'un l'autre pour assurer la transimssion du propos.

Parce que oui, il y en a, du propos, et un paquet. Les anecdotes sont nombreuses et, articulées les unes aux autres, se trouvent à former une longue histoire du foot par paragraphes éphémères mais puissants. On trouve des soldats nord-coréens qui félicitent leurs homologues du sud après la qualification de la Corée du Sud en demie-finale de la Coupe du Monde, Barbosa le maudit qui paye encore sa bourde qui sacre l'Uruguay lors de la Coupe du Monde au Brésil, Platini et l'UEFA qui tapent du poing sur la table et obtiennent un recul de la politique agressive d'Israël en Palestine ou bien Mekloufi le futur espoir français qui porte l'équipe du FLN avant l'indépendance de l'Algérie. Evidemment, on ne se souvient pas de tout, surtout des belles (ou moins belles) histoires avant notre naissance mais le plaisir pris à retrouver énoncées des histoires vécues (comme l'envahissement de terrain au cours du festif France-Algérie au Stade de France) provoque forcément des discussions passionnées entre néophytes et connaisseurs. Planète Football s'adresse largement aux deux publics et favorise tout seul la connexion entre les deux.

Le format choisi, outre l'alternance des vignettes et du texte au cours des même chapitres et de la scrupuleuse éviction de toutes redondance ou répétition apporte plus de poids encore aux épisodes de l'histoire du foot que Boniface a choisi. A mi-chemin entre les miscellannées (mais en plus construit) et l'essai de géopolitique (mais en plus light), il s'agit de démocratiser le plus possible les liens évidents que le foot entretient avec la société et le monde, l'interaction des deux et leur capacité incessante à se nourrir l'un l'autre. Et plus encore, de tous les sentiments nobles ou non que le foot provoque.

Il s'agit donc d'y picorer, de profiter de la fugacité des anecdotes et de savouer le nombre étourdissant de liens que Pascal Boniface réalise entre le foot et le reste. Il démontre et livre parfaitement l'imbrication particulièrement rapide du foot dans la politique, la culture, les nationalismes, les dictatures, le développement ou l'implosion de cartains pays, l'expression des volontés d'indépendances ou leur consommation chez d'autres. Autant de connexions qui paraissent évidentes quand on le lit et qui placent le texte et le propos plus proche des sciences humaines que du sport. Parce qu'il ne s'agit ni vraiment de foot ni vraiment de géopolitique, c'est bien plus que ca.

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