La pérégrination vers partout
Ah, la belle épopée que voilà ! La bibliothèque du salon regorge d'épopées médiévales, de chevaliers et de royaumes, de vassaux et de suzerains mais dans la langue de l'époque, et je me retrouve renversé sur mon séant par un space opera graphique.
Parce que oui, les potos, c'est une sacrée série qui va m'aider à vous rebattre les oreilles aujourd'hui. Certes, je juge ordinairement une bande dessinée sur l'effet que produisent les efforts graphiques du dessinateur sur mon auguste personne, mais là dessus, bien plus que le trait et la plume, c'est l'architecture qui donne une certaine grandeur à la série.
Les dialogues, en eux-mêmes, ne sont pas forcément dignes d'être relevés, et même si le coup de crayon cartonne, la recherche sur le physique des personnages aurait pu être un peu plus poussée.
Mais pour le reste, pardon. Transportez vous à la fin du XXIe siècle, une fois que l'homme a colonisé le système solaire et s'est étendu et installé partout, et qu'il se retrouve face à un phénomène inexpliqué matérialisé par un énorme écran noir, sans masse ni matière, qui masque la moitié des étoiles et par conséquent, la lune pour toute une face de la Terre. Ledit phénomène est sondable et doté d'une attraction surprenante pour toute matière qui s'aventure dedans, et pas du tout pour celle qui reste dehors. Alors on s'interroge dessus, et la flotte spatiale, force armée terrienne, est chargée d'étudier le phénomène et d'évaluer la menace qui se présente tout près de nous.
Evidemment, si tu t'y connais en physique, il y a des chances pour que tu démontes les théories du scénariste assez rapidement, mais les raisonnements de la physique future, même aberrants, cimentent le scénario et on remarque assez rapidement que finalement, on ne s'est pas lancé dedans pour y trouver un traité d'astronomie ou de physique quantique qui repaitra quiconque est féru de ce genre d'énigmes.
Parce que bon, c'est le reste qui compte. La série compte six tomes, et c'est le dernier qui referme en se posant comme la clé de voûte du tout. Pourtant, toute la saveur du bouquet final réside dans ceux qui sont passé avant lui. Certes, c'est le meilleur, c'est la clé, mais sans serrure, il aurait l'air con.
Pour être plus clair dans mes élucubrations dithyrambiques, prenons comme témoin un polar de base, neutre, classique, fût-il graphique. On a le meurtre au début, le noeud que le flic tente de gérer qui tient lieu de péripéties, et la révélation finale. C'est assez lisse, et si l'auteur s'est honorablement acquitté de sa tâche, on finit par se dire qu'on est pris à contrepied par le dernier chapitre, mais qu'on aurait di le voir venir, et qu'on a bien été mené en bâteau. Le tueur sait qu'il a tué, le complice sait qu'il doit fermer sa gueule, le flic sait qu'il doit se gratter la nuque et mener son affaire, et l'auteur mêle les trajectoires des personnages.
Ici, Bajram nous laisse des indices partout, des panneaux de limitations de vitesse ou des autorisations d'accélération comme il le souhaite et on se lance dans la série sans toujours tout bien saisir, et on se retrouve comme les personnages. On est un peu dépassé par les infos qu'on recoit, mais on continue. On saisitles grandes lignes, mais on tourne les pages avec toujours l'impression que quelque chose nous échappe et on suit Bajram qui file plusieurs mètres devant nous, sans jamais ralentir. On a ni clé ni serrure avant plusieurs pages et l'une comme l'autre nécéssite une certaine expérience d'Universal War I pour qu'on puisse essayer de s'en servir comme il faut.
Chaque évolution, chaque personnage, chaque épisode, chaque détail finit par résonner dans la série et donner plus de saveur à ses conséquences qu'à lui même et son expression. Chaque faiblesse, notemment dans le premier volume, titille le lecteur mais finit par renforcer encore tout ce qui en découlera, directement ou indirectement.
Tout est parfaitement calculé, et on découvre les engrenages petit à petit pour finalement, une fois au bout, redétailler toute la machine une fois qu'on a tout vu, que la vue d'ensemble nous est accessible. La lecture d'Universal War I, finalement, s'avère être une construction minutieuse laissée aux soins du lecteur, un investissement pour une découverte qui en vaut bien le coup.
Même au delà du space opera, de la science fiction, il y a même une dimension cachée, et le lecteur qui, comme mon auguste personne, débarque de la littérature, trouvera de quoi s'interroger sur l'histoire, les conséquences du présent et les réactions qu'auront nos successeurs. Ou même en décalant la chose, les réactions qu'on a maintenant en voyant les conséquences des actes de nos aînés. En fait, on retrouve tellement de choses, là dedans, que ca en devient vertigineux.