Ma première journée au FBI, c'est un texte de confinement. Je ne dis pas ça parce que le texte était censé sortir en librairie en avril, pendant nos encloîtrements forcés, mais bien parce que le personnage le subit lui aussi. De là à dire qu'il s'agit d'un texte prémonitoire...
On le ressent assez vivement, le confinement, dans ce texte. L'ambiance bien rendue, peut-être un peu forcée mais elle donne aux personnage et à l'intrigue une couleur et une texture très marquée. On y goûte de l'élégant costard à rayures, du chapeau de feutre, des belles cravates au nords désserrés, des cigares qui se consument et es verres de whisky à moitié vide ou à moitié plein, selon l'appétit de qui les consomme. On s'attene presque à voir débarquer Nestor Burma à tout moment à ceci près qu'on est aux Etats-Unis. On aurait pu être dans l'état-major d'Edgar Hoover mais on penche plus dans le petit peuple, le flic en civil et en costard mais sans véritable grade. Encore que. On est dans la bourgeoisie des anonymes, ou bien dans la lie des grands flics. C'est bien de ça, qu'il s'agit, de flic, avec tout l'ambiance américaine qui va derrière. Comme Jack Malone, mais sans l'aspect rutilant du plateau de tournage et des caméras.
Pour qui aime ce genre d'ambiance, de personnage qui vit pour lui mais préfererait vivre pour les autres, qui aimerait recoller les morceaux de sa vie sans y toucher, le texte est très utile. Pour ui cherche du rythme, une enquête rondement menée, un coupable évident qui ne l'est pas parce que c'est trop facile, un fin limier, on y est pas. C'est justement les deux univers qui s'y côtoient qui donne au texte la direction dont il a besoin. L'énumération de clichés que je vous ai livré est mise à mal assez vite, soit dit sans vous spoiler.
C'est justement la dichotomie posée par le détective à l'ancienne, le flic américain en costard avant que L'arme fatale ne le rajeunisse. Il faut que le personnage soit très américain, soit le flic qui picole seul au bar et soit au bord du divorce mais soit dépeint par une plume et un esprit très français dont la manière de présenter, d'exprimer et d'écrire soit typique des Editions de Minuit (où Jean-Paul Chabrier est dajà passé, d'ailleurs). Le très américain raconté par du très français comme dichotomie qui se révèle locomotive du texte.
Bon, après, ca avance parfois un peu cahin caha. Le décor et la ton, sans être novateurs ou particulièrement créateurs valent le détour mais les répétitions sont bien nombreuses. On sait qui est le personnage, où il souhaite aller et où il va mais l'idée de le rabacher et de l'annoncer à chaque page ralentit le rythme. Comme le bip lancinant d'un oscilloscope dans une chambre d'hôpital, mais dans un tableau de Hopper plus que dans un polar.
Un tableau avec le moins de bruit possible. Trop pour être un tableau mais pas assez pour être un film. Le texte se perd un peu entre les genres pourtant tous deux étrangers à la littérature. Le rythme s'en trouve forcément affecté et les repères dont le lecteur à besoin difficiles à trouver. Contrairement à La soif (Andrei Guelassimov, Actes Sud), leur recherche ne relève même pas du jeu, hélas.
On y était presque, mais l'important à relever dans la lecture est de ne jamais laisser derrière soi l'idée qu'on lit un tableau.