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Et vous, qu'est-ce que vous êtes devenus ? Parce que Michele Mari vient de me poser la question et elle n'est pas inintéressante, posez la vous.

Il va assez profond dans sa réflexion, Michele, et on ne fera croire à personne qu'il s'est lui-même demandé ce qu'était devenue sa version de lui enfant avant de rédiger ses textes. Il faut le voir, lui, qui parle de lui sans se nommer ni le revendiquer et utilise le prisme de son évolution comme outil de sa réflexion. Il parle de son enfance, certes, mais avec une certaine discrétion et une certaine pudeur qui, bien qu'accompagnées par sa vision de son intimité d'alors, exonère le texte du caractère autocentré de l'autobio. Au même titre qu'un album Panini, il livre des souvenir parcellaire sur lesquels il porte un regard tendre et brut (et parfois abrupt et plus dur) sur celui qu'il était et qu'il est encore, au fond.

La question n'est pas de savoir qui il était mais où est celui qu'il était. Toute la saveur de ses récits réside dans l'évolution du petit garçon de l'époque, fasciné par les romans de science-fiction de son grand-père, rêveur devans les cow-boys et les petites voitures, plein d'interactions avec les enfants de son âge face à l'universitaire reconnu, à la biliothèque foisonnante où se côtoient autenrs médiavaux, Renaissance et classiques, rares éditions velues et textes accessibles, Loeb et Pléiade. Sa grande interrogation réside dans cette transito qui arrive toute seule, sans qu'on la remarque mais qui saute aux yeux à un moment où à un autre. A partir de quand la transition Nembo Kid-Francesco Colonna a-t-elle pu s'opérer ? Plus encore, que faire de tout ce patrimoine de l'enfance une fois qu'a pu germer sur lui les orientations culturelles adultes ?

Mais il n'y a pas que ça dans les questions que Mari livre sur ce sujet. On peut y lire et se poser la question de la trahison par le passage de l'enfant à l'adulte, du rêveur devant Richard Matheson au travailleur studieux devant Plutarque. On peut se demander si l'attraction exercée par une belle édition de Dante
et acceptée (ou bien la nécessité plus tarre-à-terre de l'avoir) écrase une collection de petites voitures tant aimée pendant l'enfance. Pourquoi pas non plus, le besoin de se réinventer une fois adulte, comme si notre inconscient nous soufflait qu'on a bien fait le tour et qu'on peut avancer avant de trop y jouer et de conserver un souvenir mollasson ou déçu de ses jouets ou bouquins pourtant fondateurs de si beaux moments. Quoique l'inverse ne serait pas déconnant non plus, et passerait par le besoin de l'adulte de retrouver l'enfant qu'il était pour se comparer à lui ou aux espérences qu'il gardait avec lui à l'époque.

Le sujet est vaste et Michele Mari s'utilise pour nous amener à ses questions là et à nous regarder nous même. Plus encore, par ce biais, il utilise la littérature pour nous amener sur un terrain moins rigide, plus personnel, plus abstrait jusqu'à finir, une fois un récit terminé, par nous laisser glisser vers la psycho ou la philo. Une fois la littérature passée et sa voix tue, il ne reste que nous et nos réflexins, nos voix intérieures. Ses petits récits montrent Mari à travers un kaléidoscope de luiême pour nous pousser à monter le notre. 

Ca parait un peu dense comme ça, mais ca ne l'est pas tant que ça, si on y réfléchit un peu. La plume est belle et bien ordrée, onirique parfois et plus souvent lyrique, mais on ne peut pas passer sans le voir le plaisir de lire ses lignes et ses phrases. Imaginez vous la finesse d'une oeuvre italienne mise au service des lettres. Il n'y a que les Italiens pour arriver à toucher une telle finesse dans l'écriture. Plus encore, c'est cette finesse et cette précision dans l'énonciation d'une idée, d'un souvenir ou d'un instant qui donne aux textes l'équilibre dont ils ont besoin pour assurer les interrogations que posent les récits dans autant de sourires tendres.

A n'en pas douter, il y a, à travers les lignes de Toi, sanglante enfance, une voix, une mélodie, une brise qu'on ne trouve pas ailleurs.