gazzar

Gloire à Belleville qui nous refile des beaux trucs ! Gloire à eux qui nous mettent le nez là où on ne va jamais, comme en Moldavie ou en Egypte ! Gloire à qui nous fait connaître des auteurs qu’on ne lit pas, pas par manque de qualité, mais par manque d’intérêt !

                Hamdi al-Gazzar est de ceux-là, sans soute un peu trop rares et dont la plume est sans doute, hélas pour ce texte, effacé par la surprise et le peu de connaissances et de connexions qu’on peut avoir, d’ici, à l’Egypte. Certes, la collision de notre monde intérieur et de l’échantillon du sien provoque quelque chose qui nous place hors de l’espace-temps pour la durée de la lecture.

                On est dans les années septante et on le sent bien, et on le sent avec d’autant plus de singularité qu’il arrive à nous faire passer la même nostalgie que nous transmettrait quelqu’un e notre vie, de notre entourage ou de notre culture, quoiqu’on voit assez rapidement que ladite culture s’est aussi suffisamment occidentalisée pour nous parler, mais quand même. On se voit dans un monde qui n’est pas le nôtre à une époque qui n’est pas la nôtre non plus mais qui nous véhicule autant de matière, de sentiments et de sensations que ne le ferait nos propres aînés avec notre société. Gazzar plonge quiconque le lit dans sa société, autour de ses personnages, sans trop s’étendre sur sa vie (il évite d’ailleurs l’autocentrisme avec agilité, tout en employant pas mal la première personne du singulier) et met sa plume au service de sa propre narration et de l’idée qu’il se fait de son récit. Gazzar écrit suffisamment bien pour ce placer dans le haut du panier et sais laisser sa verve discrète. Il écrit bien, mais laisse son propos et ses personnages en avant, ce sont eux qui servent le récit et c’est au cours de la lecture suivante qu’on réalise que la qualité de sa plume ne s’exprime qu’après. On ne s’en rend pas compte sur le coup, mais c’est lorsque le récit infuse qu’on touche la qualité de l’écriture, qui, sans être exceptionnelle, a la qualité de mettre le texte en relief.

                Mais qu’on ne se trompe pas, quand même, hein, il y a un défaut dans le panier. Le plat que je vous sers n’est jamais totalement uniforme.
                Même s’ils sont parfaitement dépeints (même si elles sont parfaitement dépeintes), les personnages sont présentés comme une longue fresque, presque une mosaïque, qui impose un rythme un peu trop lancinant. Un chapitre se concentrant sur une seule femme et portant son prénom comme titre, on arrive vite à mélanger les personnages. On retombe souvent sur un prénom déjà croisé plusieurs chapitres auparavant et on se demande autant de fois à qui le prénom fais référence, poussant à interrompre le fil du récit (voire de la nouvelle, parfois) pourtant riche et prenant pour retourner quelques pages en arrière, se remémorer la petite histoire et profiter de sa référence qui enrichit celle qu’on lit.

                Aller, quoi, ca fait un accroc. C’est quand même peu et à mettre en balance avec tout le reste, et force est de constater que Aux femmes est à classer dans la pile des plus beaux inconnus de la rentrée, de ceux desquels beaucoup passeront à côté et louperont quelque chose.