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La Confrérie des Libraires Extraordinaires
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29 août 2014

Les voies parrallèles

gauzPsychanalyse moi, plutôt que de me lire.
Ah oui, non, merde. Pardon. Déjà, une astérisque: n'allons pas prêter à Gauz des mots qu'il n'a certainement jamais dit. Laissons les moi, et maintenant que j'ai ouvert une parenthèse avec cet aparté pas très à part, je reconnais qu'il me faut une explication.

On ne va pas se mentir, le libraire est commercant. Le libraire, comme tout bon commercant qui officie, finit forcément, à un moment ou à un autre par voir un paquet de trucs étranges et/ou rigolos, en tout cas inattendus qui vont jusqu'à créer une mythologie du commerce qui n'a de cesse de se développer et dont seuls les commercants comprennent totalement la saveur. D'où, par exemple, une rencontre (fut-elle imprévue) entre deux commercants (fussent-ils de branches et de secteurs différents), que vous avez certainement du vivre ou voir, qui tourne en échange d'anecdotes qui les ont marqués. On notera aussi que c'est ce qui fait vivre ce genre de mythologie, hein ?
Alors y'a ma gueule, et Gauz. Gauz, il est vigile. C'est presque comme un commercant, à quelques détails près, mais dans le cas présent, lesdits détails, on s'en tape. Gauz, qui s'appelle juste Gauz, dans sa position de vigile, il en a vu un paquet, de petits moments fugaces, loin de toute technique commerciale ou technique de quoique ce soit, desquels il a pu tirer sa propre mythologie et la faire parler, l'alimenter, et la partager.
On est tous comme ca, entre employés de commerces, entre les demandes improbables, les clients improbables, les scènes improbables ou quoique ce soit d'improbable qui soit, d'une part digne d'être relevé (puisqu'il nous marque) et qui pousse à revoir la définition d'improbable. Ca l'est, ca arrive régulièrement (ou de temps en temps, ou un autre mot, peu importe), donc, si l'improbable devient fréquent, il en prend suffisamment dans la tronche pour ne plus être si improbable que ca. Il l'est parce que les moments normaux sont numériquement plus nombreux, mais bon... Oui, mais, attends, ces moments là, dont Gauz te parle, ils sont improbables, mais pas tous improbables pareil. La quinqua au cheveux bleus qui regarde des hauts maronasses caca-d'oie horribles, ca l'est, mais pas du tout comme le bébé dans sa poussette qui n'a plus l'attention de Maman regarde le vigile qui sourit parce qu'il l'aime bien "Le vigile adore le bébé. Peut-être parce que le bébé ne vole pas. Le bébé adore le vigile. Peut-être parce que le vigile de fait pas les soldes."

Ouais, bon, d'accord. Improbable n'est pas l'adjectif qui convient à Payé Debout. Ou les textes, parce qu'il y a plein de petites anecdotes.
Mais en tout cas, à défaut d'improbabilité permanente, il y a ces détails amusants, mêlés aux anecdotes plus spaces et propres au commerce. Il y a ce regard que pose le vigile, debout, droit, posté et dont le temps est le plus souvent employé à regarder partout. Et des fois, hein, il n'y a pas grand chose à voir, alors il relève mentalement les noms des produits ("Toronto, Denver, San Francisco, Dakar. Chez Camaïeu, San Francisco est à côté de Dakar").
Nan mais ouais, mais tu souris poliment sans comprendre vraiment de quoi je parle ni pourquoi j'ai de l'affection pour ce texte (mais je garde ma jalousie aussi, d'où, la psychanalyse). Parce que bordel, le commercant, généralement, il aime le commerce, et sans en avoir l'air, c'est un métier qui fourmille de petits détails comme ceux que Gauz relate. Des petits détails pas forcément constructifs, mais qui t'amène à te formuler une courte pensée qui te fait sourire, et qui fait sourire tout court, même. Forcément, à moi, ca me parle, du coup, je te le dis, et j'aimerais bien que tu y jettes un coup d'oeil.

D'autant plus que le regard est tendre, et ca, commercant ou pas, même métier ou pas, c'est toujours bon à prendre. Mais au delà de ca, tu n'as même pas à t'investir dans un roman comaque qui traite de la mythologie du commercant, parce que Gauz les file comme des carambars, un petit à la fois, et c'est toi qui gères ta lecture. Tu pioches où tu veux, ce que tu veux, et même si tu en as marre, des petits paragraphes de trois lignes, occupe toi des chapitres narratifs plus consistants, parce qu'il y en a.
Ils parleront plus aux parisiens, on ne va pas se mentir, mais il manque de textes sur Paris, ces derniers temps. Le vrai, je veux dire, le Paris quotidien, celui que Fargue et Clébert décrivaient à leurs époques. Il y a ca, aussi, dans Debout-Payé, le Paris normal, celui où, même sans les touristes et le charisme de Notre-Dame, on se dit que c'est chouette d'y vivre, celui qui parait suffisamment commun pour qu'on en parle jamais.
Je ne sais pas si tu situes bien ce que j'exprime. Ce n'est pas le métro Goncourt qui passera à la postérité, ni ce qu'il y a autour, et je connais assez peu d'auteurs qui ont parlé de Paris juste pour Paris. Même si Les grandes largeurs d'Henri Calet, c'est bien, Henri Calet, c'est loin. Il manque un auteur content d'être à Paris, et/ou qui apprécie suffisamment Paris pour en parler.

Ah ouais, ce serait cool que tu y jettes un œil, à ce texte, et que tu profites de sa géométrie variable pour y picorer ce que tu veux. Je te vois bien sceptique (même si j’espère que tu ne l’est pas, hein ?), mais tu passeras de bons moments, forcément.
C’est bien le problème, d’ailleurs. Comme tout bon commercant confortablement installé dans son activité, moi aussi j’ai tenté d’écrire quelque chose comme Gauz, à ceci près que, je te le dis parce que j’ai essayé, avec de la densité, une construction classique, ou un truc narratif plus light, on s’emmerde. Alors que lui, Gauz, non. Le mec a réussi au nez et à la barbe de tous ceux qui n’y sont pas arrivés, et en racontant ce qu’il y a à raconter.

 

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