Après une mûre réflexion somme dont je retire une certaine satisfaction, j'ai décidé qu'il était temps de vous parler de Cécile Coulon. Non seulement parce que vous êtes prêts, mais aussi parce que je ne la connaissais pas avant et que je viens d'achever la lecture de Méfiez-vous des enfants sages.

Cécile-Coulon2-©-Antoine-Rozès

Et ben vous savez quoi ? Je vais faire honneur à mes origines crème fraiche et vous affirmer mon avis mitigé. Oui, c'est bien. Mais pas que.
colLa confiance que je place en quelque résumé, quand il s'agit de bouquin, est toute relative, et on me pardonnera ici de passer vite sur cet exercice. Le personnage est un enfant sage qui ne provoque pas forcément la méfiance de quiconque quand on la connait, et le lecteur finit par la connaître assez bien. Encore que... Lua, c'est son prénom, se livre comme elle se livrerait à un beau gosse de mon genre avec qui elle partage depuis quelques mois. On n'est pas dans la confidence du très intime, on est pas dans une intrigue bassement factuelle et ce court opuscule sur lequel Cécile Coulon a bossé se révèle être la construction aboutie (sans tomber dans un too much superflu) d'un ado attachant. Et comme tout bon roman où seul le personnage compte, ce n'est pas la lecture mais son infusion qui donne du caractère au texte et le laisse se déployer.

Le lecteur adulte n'y trouvera pas son compte. Soyons honnête. Cécile Coulon est très jeune et a devant elle tout le temps nécéssaire pour perfectionner sa plume. D'ici à ce qu'elle devienne une grande auteur (ce qui ne serait pas aberrant si confirmation il y a), on verra sans doute son oeuvre jallonnée d'amélioration constante. Ici, ce sont les irrégularités qui gênent le rythme et le lecteur.
On les voit, pourtant, les belles trouvailles littéraires, les formules et phrases qui satisfont le lecteur, mais elles s'avèrent pourtant aussi remarquables que les tentatives malheureuses qui provoquent des soupirs d'exaspération. On mettra ca sur le compte non de l'expérience, parce qu'elle en a, mais de l'âge, sans doute. On pourra regretter aussi un choix jamais affiché qui laisse la narratrice jongler entre le registre familier et le soutenu, l'un semblant jurer au milieu d'une phase où l'autre se déploie.
L'alternance des coups d'éclats et des effets ratés laissent en tout cas présager un avenir qui semble bouchés à un paquet d'autres auteurs, et il faut bien reconnaître que ca fait plaisir à voir.

coulon points

Mais c'est de l'ado dont il faut parler. Que les autres la ferment, maintenant. L'ado, lui, va échapper à la littérature d'ados fadasse que promeuvent un paquet d'éditeur (qu'on m'autorise à parler de surproduction d'ici quelques articles). Il pourra se réfugier dans le registre de la littérature de jeune adulte qui échappe aux éditions jeunesse. Ici Viviane Hamy, ailleurs Gaia, ou la collection du monde entier de Gallimard. On se trouve sans le haut du panier de la littérature ado, et dans la jeune frange de l'adulte, dans un texte écrite par une jeune demoiselle, qui décrit une jeune demoiselle en proie à des intrigues, questionnements et facons d'être de jeune demoiselle, ou même d'ado, carrément.

Parce que c'est vous, j'ai même envie d'aller plus loin. Si vous donner, par exemple, Cécile Coulon à votre ado, vous courez le risque de le voir basculer vers de bons textes d'ici quelques années. Attendre la maturité stylistique de Cécile Coulon coïncide avec l'attente de la maturité littéraire de votre ado.

Parce qu'elle sait construire son récit, le faire audacieusement et se figurer ses personnages, Cécile (si elle permet que je l'appelle Cécile), et elle sait ménager ses effets. La forme pêche comme elle pêche normalement à cet âge, et même avec quelques années de plus, je m'inclus dedans sans déception. Il s'agit juste d'une question d'évolution de la plume et de celui qui la tient, mais somme toute, il y a matière à se réjouir de ce qu'on découvrira chez Cécile Coulon d'ici quelques années.