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La Confrérie des Libraires Extraordinaires
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8 décembre 2013

L'expérience de la nudité

autoportraitIl est temps pour nous, dis-je d'une voix cassée par les années et sur un ton suffisamment mystérieux pour passer pour le vieux sage barbu campé avec cliché dans tous les mauvais films de SF, de nous pencher vers le livre brumeux.
Et maintenant qu'on laisse dernière nous la dernière phrase du post, aussi difficile à rédiger que la première phrase censée démarrer une correspondance amoureuse, zieutons le, ce texte.

Edouard Levé, pour rappel, correspond très bien à POL. Souvenez vous de Suicide, dans lequel il racontait impersonnellement et avec détachement le raisonnement qui l'avait poussé vers sa chevrotine en tutoyant le lecteur, comme pour le convaincre aussi que "toi aussi, tu y viendras".
Dans Autoportrait, point question de se supprimer après avoir feint l'envie de jouer au tennis, mais d'une rétrospective lucide et intime d'Edouard Levé. Tâchons de nous éloigner des canevas classiques de la littérature et des vieux pots dans lesquelles on fait les meilleurs confiotes, et distancons nous un instant des charpentes habituelles qui tournent autour de l'intrigue, des personnages et de l'écriture. A vrai dire, Autoportrait de relève pas vraiment de l'architecture que je vante régulièrement mais plus du design. La ligne est futuriste, oblongue et à l'espace optimisé jusqu'au moindre recoin. On a l'impression d'être dans un port où fleurissent les bâteaux de plaisance, qui laissent l'impression de donner la même apparences à tous les quais, mais qui laisse aussi le soin à qui regarde plus de deux secondes qu'aucun bâteau ne ressemble à son voisin.
Autoportrait plonge dans l'intimité d'Edouard Levé, et il me faut apporter une précision de première importance. Intimité, ici, est dépouvru du sens que vous imaginez, il s'agit de ce moment un peu gênant mais qui, d'un autre côté, rend curieux, de l'inconnu, dans un bar, à une table de vous, qui se livre sans artifice, sans omission et sans relâche. Suivant un schéma presque apparentable à celui de Fabienne Yvert, bien que faisant l'impasse sur toute recherche graphique, Autoportrait déroute également par la faculté que le lecteur se découvre en lisant à se retrouver ici ou là, quelque soit la remarque ou la phrase.

Levé s'y décrit froidement et pleinement, dans le style de plus minimaliste qu'on puisse imaginer, nous laisse le soin de trouver ce que bon nous semble, d'en faire la lecture qui nous plait et ne s'intéresse pas vraiment à notre réaction. Il suffit qu'on en ait une. Il nous laisse son texte et le soin de nous y retrouver, et regarde sans doute de là où il est un énième lecteur se retrouvé devant l'auteur nu avant de se barrer et de laisser l'auteur face à lui même. On est dans une sorte de manipulation littéraire qui nous laisse à la fois pantois mais content de la supercherie. Elle est magnifiquement ordonnée, dans le style le plus minimaliste où ne reste que le strict nécéssaire pour l'expérience d'Edouard Levé, et on  participe comme cobaye volontaire au succès de l'opération.

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