Le bachkir motorisé
Non, allons ! Ce n'est pas sérieux, j'ai du ménage, de la vaisselle, de la lessive et quelques courriers à envoyer et je me colle sur Canalblog pour bloguer. Franchement (quoique) ce n'est pas sérieux, et par dessus le marché, je n'en ai rien à foutre. Puisqu'Igor Saveliev est dans le coin, je m'en vais déblaterer sur lui et vous laisser vous faire votre propre avis sur La ville blême.
Ladite ville répond au nom étrange d'Oufa. Oufa. Le nom ne ressemble à rien, mais pourtant, c'est une capitale. Si si, la capitale de la Bachkirie, une région dans le Caucase qui marque la dernière expression de la civilisation urbaine avant les grandes steppes dont Chalamov et Rawicz parlent bien mieux que je ne pourrais le faire.
Si on croit ce que nous dit Saveliev, Oufa pourrait être une sorte de Pontarlier, ce genre de ville pourvue d'un grand capital sympathie, mais dans lesquelles on ne va jamais parce qu'on s'en fout un peu. Quoique. La Russie est immense, la Bachkirie zieute les steppes à longueurs de journées et Oufa est probablement une mégapole importante dans le coin. Sans doute importante parce qu'elle est la seule mégapole de Bachkirie et de Tartarie (oui, parce qu'Oufa est autant peuplée de bachkirs que de tartares, si j'ai bien compris ce que Saveliev raconte).
Et outre Oufa, Saveliev a l'air d'être calé en auto-stop, aussi. Un peu comme certains nous parlent de leur amour du voyage et de ce que le concept représente pour eux, lui nous parle du stop. Mais attention, pas pompeusement ni filandreusement (?) mais en choisissant le biais de la fiction et de trois stoppeurs en route depuis Saint-Pétersbourg ou pour Moscou. Et par le stop, le moyen de dépeindre la jeunesse russe actuelle pour le lecteur touriste qui s'égare dans sa Ville blême.
Parce qu'on ne va pas se mentir, la génération pré-Perestroïka, en Russie, celle qui est née juste avant et qui a grandi avec, on ne sait pas bien à quoi elle ressemble. On a tendance à se dire qu'elle aura du mal à trouver son identité entre les restes soviétiques et la déferlente américaine, et généralement, on finit par s'en foutre. Oui, mais bon, c'est quand même pas de la merde, la Russie, et ca gagne à être connu. Pour être honnête, pas spécialement pour La ville blême, mais pour un paquet d'autres dont je vous rebattrais certainement les oreilles plus tard. Avec des turcs et des polonais, certainement, mais on s'éloigne, là.
Donc, La ville blême, c'est bien pour des russophiles nés dans les années 1980, et le propos est riche pour qui ne le connait pas ou est curieux rien qu'en entendant son évocation. Pour être un peu perdu, découvrir une autre culture dont on ne sait pas vraiment si elle est éloignée de la nôtre ou au contraire très proche, le texte est très efficace. Pour qui veut y trouver une qualité littéraire capable de lui renverser le cervelet, pas du tout.
Pour qui veut y trouver une qualité littéraire, pas du tout. Ni du style. Un peu comme Andrei Kourkov, Igor Saveliev écrit au mètre, et plus encore, ne le fait pas très bien. Vous verrez l'incipit par vous même, et sans vouloir vous effrayer, il est à l'image de ce que la plume de Saveliev vous réserve (pardon, milles excuses, je n'ai pas de preuve: la plume de Saveliev ou celle du traducteur, soyons honnête).
Vachement gonflé, je finis par le best of de mon article: le propos déchire pour qui est curieux mais le texte met le courage littéraire à l'épreuve. C'est là qu'on voit les lecteurs tout terrains, comme les voitures qui sillonnent les steppes bachkires ou tartares (et je vous livre là un des meilleurs jeu de mots de la semaine, attention. C'est un honneur que d'avoir retardé ma lessive pour vous le livrer).