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La Confrérie des Libraires Extraordinaires
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5 août 2013

Vas-y et fais moi confiance

wableAttention, attention. A peine revenu en m'excusant d'être parti, je viens vers vous et fait appel à votre indulgence. Le livre qui suit est un grand, un très grand de l'année, et pourtant, j'ai un peu de mal à en parler. C'est mon métier, pourtant, et je sais très bien à quel lectorat Six photos noircies peut plaire et convaincre, mais inexplicablement, j'ai eu du mal à en parler.
Allez, un bon coup de pied au cil, et je me fais violence.

Imaginez une scène, pour commencer. On est en mars, ca devrait bourgeonner, mais allez savoir pourquoi, ca caille et il neige intempestivement. Comme des cons, on patauge dans la neige qui veut bien fondre, mais pas trop. Débarque emmitouflé un super éditeur, le genre de tête qui fait plaisir à voir au milieu d'une journée trop commune pour être rigolote. Alors on se salue, on est contents de se voir, on se donne des nouvelles, et en plus des nouvelles, il sort de sa poche un petit bouquin à paraitre en vantant les mérites de l'auteur et sa fiereté de le publier.

"Mais alors, alors" me dites-vous "arrête de nous spoiler et commence à parler du bouquin, bordel !"
Il s'agit d'un petit recueil de nouvelles bâti autour de deux personnages distinct, deux naturalistes globes-trotteurs poussés par le goût de l'aventure et qui sillonnent le monde sur la pistes de phénomènes étranges, de rumeurs étranges, de faits étranges et de n'importe quoi qui parait étrange, de près ou de loin.
Un peu comme chez Borges, plus on parle du contenu en lui-même, plus on enlève au futur lecteur la saveur de la découverte. Mais, ca me tient à coeur, je vais vous conduire au texte. Laissez vous faire.
On est un peu chez Borges avec son univers onirique et rythmé, on verse aussi parfois vers le côté riche et halluciné de Jérôme Bosch, et on y retrouve même du Raymond Roussel lorsqu'il nous faisait visiter son Locus Solus.
Autant, chez Roussel, c'est un cabinet de curiosité, le jardin d'un riche aventurier qui raconte ses exploits et l'histoire des trésors qui composent son jardin jusqu'à en faire un recueil de mythologies fantasmagoriques, autant, chez Wable, on est dans la découverte elle-même, dans l'objectif de l'appareil, dans l'enquête autour de l'objet étrange pour finir dans l'objet, dans l'oeil du personnage témoin des secrets en questions. Entre deux planches de bois, dans un vieil atelier abandonné, camouflé dans un arbre. Et on voit, avec lui, ce qu'il trouve et qui finit par être totalement différent de ce qu'il cherche.

 

bosch

 

Quand on parle de Six photos noircies, on a toujours cette frustration de mener une conversation à propos de quelque chose dont on évite d'énoncer le contenu. On tente de circoncir l'univers de l'auteur, l'atmosphère du recueil à mi chemin entre la nouvelle et le conte, on mentionne l'écriture contemporaine qui en fait des nouvelles mais le côté baroque halluciné qui les en éloigne, et on tente malgré tout d'aller convaincre tout le monde d'y aller. Quoique c'est aussi là qu'on voit la confiance du lecteur en le libraire lorsqu'il dit dogmatiquement: vas-y et fais-moi confiance.
C'est un peu ca, en fait. Vas-y, je protège la saveur du texte en tournant autour du pot.

Roussel_19ans

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