Le pourquoi, le comment, et le reste

Le moins que l'on puisse dire, c'est que Une femme avec personne dedans n'est pas une lecture d'été. On est pas du tout dans le style plage et crème solaire indice machin. Remarquez, on y trouve pas non plus de gamins en anoraks barriolés qui se roulent dans la neige, ni cerisier fleuri, ni douceur pluvieuse de rentrée. C'est un peu intemporel, ce texte finalement. Il se lit à des périodes précises mais non définies, et ne prend place nulle part.

Pour être moins évasif, il s'agit de l'identité. Chloé Delaume se pose elle même la question en apprenant que l'auteure d'un manuscrit pas très bon avait mis fin à ses jours, et que la mère de cette auteur en herbe et au parcours similaire au sien l'avait appelé après avoir vu sur les étagères de sa fille toutes les oeuvres de Chloé Delaume.
Alors elle s'interroge, d'abord du concret: pourquoi le manuscrit était mauvais (non pas dans l'écriture, mais dans les motivations de la dame en question, plus si en harbe que ca puisqu'elle avait l'âge de son modèle à défaut d'avoir son expérience littéraire), quelles ont été les conséquences de sa réction à la répéction du manuscrit sur l'état de la dame en question, pourquoi disait-elle vouloir devenir "la nouvelle Chloé Delaume", quelle était l'influence de son pedigree psychiatrique et de ses interogations identitaires sur son travail et sa création.
Et plus elle cogite, Chloé, plus elle déplace ces questions sur elle même. Pourquoi avoir crée un personnage d'autofiction, pourquoi avoir inventé Chloé Delaume pour l'incarner alos qu'elle même s'incarne dans ses romans ? Où est, du coup, la part de fiction, d'autofiction, d'autobiographie; que représente Chloé Delaume dans l'entité madame+auteur+littérature. On en arrive même à la voir s'apercevoir que les différences entre elle et la dame dont elle a recu le manuscrit on finalement ténues et qu'elles résident dans un caractère littéraire qui se mue rapidement en recul sur soi-même et son propre passé pour la littérature.

La problématique complexe placardée assez tôt lance parfaitement le lecteur dans le texte et le pousse à s'engouffrer dans cette réflexion a double niveau. C'est brillant, mais la plume de Delaume est très exigeante, très dense, et même si je garde un excellent souvenir de Ma maison sous terre, le style m'a un peu plus dérangé. Si Ma maison sous terre collait parfaitement à mon éllitisme littéraire assumé, celui d'Une femme avec personne dedans dessert parfois le propos intéressant de Delaume.
Le texte est très rythmé, demande une gymanstique intellectuelle proche de la course et est à la fois très saccadé, avec de phrases pas forcément longues (même si elles devraient parfois l'être) mais sans virgule, ce qui change suffisamment la construction pour qu'on ait à revenir à la ligne supérieure une fois que le point nous prend par surprise.

Et même si ca part dans tous les sens, même si c'est un emberlificotement de lianes enchevêtrées les unes avec les autres jusqu'à former un conglomérat compact, même si la question que se pose Chloé Delaume sur cette auteure qui lui ressemble tellement, sur la litérature, sur elle même et sur toutes les combinaisons possibles avec ces ingrédients, il faut quand même, pour certains paragraphes, arriver à la suivre, elle.