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Une nouvelle, aujourd'hui. Juste une. C'est assez léger, je pourrais en convenir, mais il ne s'agbit pas non plus de n'importe laquelle. Et comme il est toujours un peu agacant que tout le monde prenne le sujet d'un film (et le film en lui même) comme quelque chose de merveilleux mais sans jamais se poser la question de savoir d'où vient la substance, je vais me cantonner juste à L'étrange histoire de Benjamin Button.

On va dire que vous connaissez déjà le principe de la nouvelle, un peu Dorian Gray sur les bords. Benjamin Button, né à quatre vingt ans et mort à une journée, le personnage qui a vécu sa vie à l'envers.
Ce n'est évidemment pas Hollywood mais Fitzgerald, qui est vachement plus classe que Brad Pitt, qui a imaginé et construit le personnage et la fable.
La matière du texte tient parfaitement sur la longueur de la nouvelle, et c'est là une preuve que Fitzgerald est un novéliste génial. Alors qu'un paquet d'autres auraient tenté de se servir d'une idée pour bâtir un roman entier et de se retrouver avec un paquet de passages à couper, Fitzgerald a su quelle proporsion donner à son histoire et c'est précisément ca qui lui confère une telle dimension. On pourrait même dire de lui qu'il est un fabuleux fabuliste.

Le texte en lui même est sans nul doute plus subtil que le film. Passons sur le plaisir que l'on peut prendre à lire des lignes de Fitzgerald: il écrit bien, on le sait et ce n'est plus à démontrer. Le personnage de Benjamin Button est parfaitement rendu, on le retrouve à vivre sa vie à l'envers, tant physiologiquement que mentalement, et pourtant, on retrouve de temps en temps (en particulier dans ce qui correspond chez nous à notre fin d'adolescence et qui est chez lui les années qui précèdent sa retraite) des évolutions qui pourraient presque, et qui le fond même à ces moments là, faire passer l'expérience qu'il engrange comme des morceaux de vie à l'endroit. On peut remarquer la naissance de certaines émotions adolescentes et la découverte qu'il en fait et qui rendent moins importante l'expérience innée du vieillard qu'il a reçu à sa naissance.

Fitzgerald joue du coup sur deux plans: Benjamin Button est né à quatre vingt ans et mort à un jour, mais n'avait qu'une journée à sa naissance et quatre vingt à sa mort. On jongle avec lui et avec son personnage entre son âge réel et son âge public. On pourrait même regretter que les conséquences de cette faculté involontaire sur son entourage et celui de sa famille, mais à bien y réfléchir, l'intêret du texte n'est pas là. Nécéssairement, le père de Benjamin pourrait être son fils et son fils pourrait être son père, et on le retrouve dans les caractères des personnages.
Le résultat, forcément, est très étrange, et Fitzgerald a du autant s'amuser et réfléchir en écrivant sa nouvelle que nous en la lisant. On peut aussi remarquer que L'étrange histoire de Benjamin Button se classe dans la catégorie de ce genre de texte particulièrement créatif qui procure également du plaisir quelques temps après, lorsqu'on trouve par hasard quelqu'un d'autre qui a lu et expérimenté le texte et avec qui on peut confronter son point de vue.

Et puis bon, autant à dire (et même plus, j'écris freiné, je peux encore tartiner ma page web) sur un texte pas si long, ca relève quoiqu'il arrive d'une des meilleures plumes qui soit.

 

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