Pour bien cerner ce qu'est un racontar (parce que bon, vous n'imaginez quand même pas que je lâche un titre comme ca pour me barrer comme un voleur dans la minute qui suit), il faut cerner Jorn Riel.
Jorn Riel, c'est un sémillant bourlingueur qui aujourd'hui coule une retraite paisible en Malaisie mais qui a passé quelques décénnies bien pleines dans les dernières compagnies de trappeurs du Groenland. Petite précision nécéssaire, le Groenland, en plus d'être froid et blanc, te pousse à vivre tout seul (donc, te livre à toi même) ou à partager ta cabane avec un acolyte que tu ne choisis pas toujours (donc, à te livrer à toi même et à lui). Et bien entendu, ton voisin est à trois jours de traineau. Et qui plus est, la nuit au Groenland, évidemment, dure sept mois et demi.
Et Jorn Riel a compilé ce genre d'histoires dans une dizaine de volumes qui peuvent être lus indépendamment les un des autres, mais rendons nous compte que l'ordre chronologique, même facultatif, donne encore plus de cachet aux histoires qu'il nous raconte.
Alors on se retrouve avec une sorte de mythologie groenlandaise, à suivre les tribulations d'une quinzaine de joyeux drilles un peu associaux sur les bords, qui vivent dans leurs cabanes à guetter les boeufs musqués quand le besoin s'en fait sentir, à attendre le bâteau de Copenhague qui ravitaille une grosse moitié est de l'île, à analyser patiemment les relations sociales qu'entretiennent deux ou trois trappeurs qui se terre ensemble pendant sept mois de nuit, ou bien un trappeur seul dans sa cabane et son animal de compagnie (un coq, pour l'un d'eux, sauvé à bord d'un cargo norvégien dont l'équipage n'aurait pas été contre un rôti). Histoire, évidemment, qu'on tient de William le Noir, qui la tient de Mads Madsen, qui la tient du colonel, qui la tient de Valfred qui la tient de Lasselille, mais lui n'était plus très frais quand il lui a raconté.
Sémillant comme il est, Jorn Riel raconte tout ca joyeusement, sans rajouter ni cynisme ni sacrasme ni absurde ni procédé humoristique quelconque, bien au contraire. Tout est dans la facon de présenter l'anecdote en question, sur un ton très neutre comme si tout était naturel, prévisible et/ou logique.
Alors en effet, on peut se dire que ca colle bien à l'hiver parce que ca se passe au Groenland où il fait froid, mais ca s'y rapproche d'autant plus, de l'hiver, que celui qu'on connait est gris, et que les racontars de Jorn Riel (que vous devez commencer par La vierge froide, soit dit en passant) sont autant d'anecdotes colorées et bon enfant qui mette de bonne humeur.
Moralité: les matins de décembre, prend un café bien chaud et un racontar.