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La Confrérie des Libraires Extraordinaires
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5 septembre 2011

Indéniablement

passer_la_nuitForce est de constater que c'est là un texte très déroutant. Mais que c'est très bien.

On se retrouve ici au coeur d'un récu cru et abrupt, presque sec, qui dès les premières pages commence à décrire une dépression. Alors là, on se dit que merde, encore un, la dépression on connait, et tout et tout mais je retiens votre attention sur un commentaire que j'ai fait plus haut: "C'est déroutant", donc, c'est pas comme les autres.
Pour autant, je vous rejoins, le romancier qui met en scène un personnage dépressif, la plupart du temps, y associe l'idée d'autodesctruction, de vie qui s'arrête et finit bien vite par extrapoler sur autre chose parce qu'il ne sait pas comment faire le tour du personnage dépressif choisi. Mais ce coup ci, Marina de Van fait bien mieux que tous.

On est pas là dans une vie qui s'arrête, mais qui continue, et qui continue sans quelque chose qui prenait visiblement beaucoup de place. On est du coup non pas dans la fin d'une histoire et-on-s'arrêt-là mais entre la fin d'une histoire et le début d'autre chose, parce que forcément, il y a autre chose. Pas question de fin abrupte ni tragique, la vie va continuer et la Terre ne pas s'arrêter de tourner, mais il faut encaisser et repartir. Et c'est ce moment là de la déprime que Marina de Van décrit dans Passer la nuit.
Comme le personnage central, on tend vers quelque chose sans savoir quoi. Plus exactement, elle tend vers quelque chose et nous, nous suivons cette évolution sans savoir où le récit va nous mener, ce qui nous amène à terminer comme elle dans l'expectative (si ce n'est que chez nous, l'expectative est littéraire).

C'est là un exercice de style fabuleux. Que les amateurs d'intrigues qui galopent à batons rompus passent leur chemin, le style est ici contemplatif et dissèque un état dépressif plus qu'elle ne fait évoluer son personnage au sens propre du terme (même si elle le fait carrément évoluer, mais ca se voit moins que dans les autres romans). On est dans le déchiffrement par la littérature de l'état moral qui conduit au confinement dans l'inactivité, on est juste là dedans sans autre repère que l'état moral du personnage central. On n'a, du coup, pas à essayer de deviner pourquoi elle est comme ca et à la comprendre, cette demoiselle qui prend sa place dans le roman, on dispose juste de l'instant présent et de la manière dont elle se concoit elle même dans cet instant présent.
Et toute la virtuosité de Marina de Van est là, on n'éprouve même pas le besoin de savoir ce qui l'a mise dans cet état là, ce qui nous est raconté, ce que ce personnage nous livre se contente juste d'être un état des lieux de son âme à l'état brut. On a pas à savoir ce qu'il y a eu avant, on a juste à constater. Marina de Van ne verse du coup pas dans le mélo, ni dans des histoires d'amour quelconques qui aurait engoncé Passer la nuit dans la nasse d'autres romans du même type dont elle aurait peut-être peiné à se démarquer, mais on est dans une exploitation toute nouvelle de l'état dépressif en littérature.

De mon côté, je ne vois pas d'autre roman qui ressemble à ca. Sans vouloir me répéter, on est pas dans un roman sur la dépression qui explique un état dépressif par son origine et ce qui l'a crée, mais dans un roman qui dissocie les deux, et qui en plus décrit cet état second de fort belle manière et avec une plume assez compacte, qui ne s'encombre d'aucun détail superflu ni aucun froufrou de trop.
Et après avoir pesé scrupeuleusement mes mots, je vous l'affirme: c'est remarquable.

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