morePour la dernière note de la saison qui se clôture là juste avant que la rentrée littéraire qui approche à grand pas au point d'être déjà là, je vais vous proposer de vous en mettre plein les mirettes. Et même, je vais jusqu'à dire que littérairement, vous allez vous la coller.

Il s'agit là d'un auteur argentin décédé il y a une dizaine d'années et qui, selon les argentins eux mêmes, est un des plus grands auteurs qu'ils aient eu (au point qu'ils aillent même le considérer avec autant d'égard que Borges ou Arlt). L'invention de Morel, que Borges himself considérait comme un des romans les plus ingénieux du vingtième siècle, c'est en effet la preuve vivante de l'efficacité terrible de la plume de Bioy Casares.
Il faut nous imaginez qu'un auteur ait pondu, dans les années 1940, un texte qu'on peut situer, avec des références du XXIe, entre Lost, L'Ile du docteur Moreau (de Wells), ou La dernière année à Marienbad (de Robbe-Grillet), oeuvres toutes postérieures, comme quoi Bioy Casares, même s'il n'est pas si connu du grand public que ca, est un grand. Et pour vous situer L'invention de Morel au sein de l'oeuvre de Bioy Casares, il me faut vous murmurer que c'est là le premier roman qu'il a revendiqué après six reniements.

L'atmosphère surtout est particulièrement réussie. On est plongé sur une île déserte sur laquelle tiennent place des batiments vides et pratiquement fantômes (carrément fantômes, même) qui on connu, jadis, un faste indéniable. Mais plus maintenant. Et évidemment, pour voir cela, il nous faut les yeux du narrateur qui fuit le continent après un méfait considérable. On est donc là dessus à suivre la manière dont notre personnage organise sa vie et explore les batiments érigés, témoins de l'histoire singulière de l'île (on est du coup dans une sorte de Robinson Crusoé plus matérialiste, plus réaliste, peut-être mieux taillé) jusqu'à ce que les question commencent à se poser (pour qu'on bascule du coup dans du Lost, mais bien mieux foutu que la série, avec un personnage mieux construit et qui tient lui même autant de place et est aussi consistant que l'intrigue elle-même et les questions qu'elle pose).

Pour conclure, il va me falloir vous exhorter à lire L'invention de Morel, en ajoutant ce détail terre à terre: il est en poche. Et bien sur, faut aussi le lire d'une traite. L'affaire de deux heures. Plus le temps de conserver dans l'esprit la saveur du roman.