Le livre d’Hélène Frappat aurait
pu être une perle rare. Je veux dire par là que des livres bien écrits, avec
une vraie plume, y’en a pas des masses. Ben pourtant, non.
Indéniablement, Frappat sait manier la langue et Par effraction le prouve. Elle a de l’idée, ne serait-ce que pour attirer le lecteur à tourner les pages les unes après les autres, assidument, en écrivant son récit à la deuxième personne du singulier, par exemple (mais avec la forme de politesse), prenant le lecteur à témoin de l’histoire dont il est, de fait, lui-même le personnage principal ; de découper le récit pour ne pas que les chapitres s’étouffent les uns les autres, par exemple.
Pourtant, le rythme contemplatif et descriptif freine le récit et empêche les bonnes idées qu’elle a eu de se développer et de rayonner sur le texte comme elles devraient le faire. Quand je parle de description, je dois bien avouer qu’on est hélas loin de Cingria ou Chessex, malheureusement, et que les images qu’Hélène Frappat nous place devant les yeux ne jureraient pas dans un album photo d’une famille dont on ne soupçonnait pas l’existence avant de tomber dessus. On est face à des instants fugitifs capturés par elle, mais regorgeant de souvenirs épars qui nous sont trop étrangers ou trop banaux pour être fascinants, malgré un certain don qu’ A., la personnage principale, tente de dompter au fil des photos souvenirs de l’album.
L’idée aurait pu être bonne si le roman démarrait un jour, mais hélas, hélas, l’histoire de A. mêlée à la votre (ou la notre, d’ailleurs, puisque Frappat parle sans arrêt de vous) atrophie une des deux intrigues et son mélange avec ce qui ne figure pas sous les yeux du personnage-lecteur freine celle qui tendait à se développer.
Les idées étaient bonnes pourtant, tant sur le thème que dans l’écriture et le ton choisi par Hélène Frappat, mais on sent au final que Par effraction n’est pas le livre bien foutu qu’il aurait pu/du être.