La cathédrale
Même avec ce titre, je ne paierais aucun droit d'auteurs à personne, même pas à Terje Stigen, l'auteur du livre que je viens de finir et dont je me suis servi du titre pour intituler un article qui déjà a l'étoffe d'un article absolument exceptionnel. Que ce soit donc bien clair.
Je plante rapidement le décor. Une ville, en Allemagne, début 1945. Tout est par terre et ressemble à s'y méprendre à des tas de cailloux qui autrefois peut-être ont été des maisons et bâtiments divers. La seule survivante de la ville, c'est la cathédrale. Une énorme bombe à traversé le dôme et s'est figé dans le sol, mais ne représente visiblement aucun danger pour les quelques civils qui y ont trouvé refuge. Ces civils (déjà fameux puisque j'en parle) sont en fait un groupe d'allemands assez hétéroclite, avec un musiciens dont les ambitions ont été mutilées par la guerre et pas mal ébranlé par la situation, un SS déserteur qui ressemble à s'y méprendre à un colosse et dont la guerre a commencé à ronger la raison, un instit qui a vu de ses yeux dix-huit de ses vingt quatre élèves déchiquetés par une bombe anglaise et un comptable plutôt mystérieux rescapé de la destruction de Dresde, une famille de riches commerçants antipathiques et aux multiples enfants. Plus, évidemment, le personnage principal, fils d'un épicier dont la famille entière a fini dans une maison qu'une bombe à transformé en aérosol.
La cathédrale en question est donc un
lieu de refuge dans lequel un groupe de personnes traumatisées par la
guerre tente de conserver un semblant de raison, si tant est que cela
soit possible. Je suis très difficile, en ce qui concerne les bouquins,
un peu comme un sale gosse avec la bouffe. Pourtant, là, je suis
incapable de dire si c'est merveilleux ou pourave, même si j'opterais
plutôt pour la première option, en la nuancant, toutefois. La plume de
Stigen est balaise et au dessus de la moyenne et même si on ne jouit
pas (littérairement parlant, allons !) en lisant, il faut bien aussi
noter que le style est assez plaisant et bourré d'une certaine poésie.
Pas comme Lyonel Trouillot, tellement poétique que le livre s'étouffe
lui même, pas lyrique non plus parce que c'est un mot qui fait peur et
tellement employé pour tout qu'il ne veut plus rien dire, mais la
poésie de la plume de Terje Stigen confère au récit et à l'atmosphère
une saveur particulière.
L'atmosphère, justement, tiens ! Là encore,
on voit que Stigen n'est pas un manchot, ni par la plume, ni par la
construction du récit, ni par l'imagination. Un huis-clos presque
total, plusieurs mois durant, dans une cathédrale balafrée, ca peut
donner lieu à un bouquin qui te refile un sentiment assez étrange quand
tu le lis. Et Stigen l'a parfaitement exploité. Ceci dit, le sentiment
dont je parle est assez particulier et pas désagréable, et pourtant,
même après une bonne réflexion, je suis parfaitement incapable de le
décrire, ou alors il me faudrait ne pas être scrupuleux et rigoureux et
décrire quelque chose qui s'en rapproche.
Je crois qu'en fait, on peut dire de "La cathédrale", de Terje Stigen, publié aux Presses Universitaires de Caen, que c'est un véritable ovni. Loin pourtant de ce que quelques critiques littéraires nazes appellent "ovni" les livres qui leur on plus, n'hésitant pas à cracher que c'est bien donc différent de tout. Je ne cherche pas à dire que "La cathédrale" est bien et qu'il faut le lire, je n'ai pas la prétention de décréter quel livre est bien et lequel est nul. Mais, je constate que "La cathédrale" ne rentre dans aucun des genre de bouquins dont les librairies regorgent, c'est un livre qui a suffisamment de caractère pour se démarquer du roman moyen que vous pouvez trouver dans une bonne librairie.